Hier en fin d’aprĂšs midi, Garonne sâĂ©tait faite miroir. Un souffle absent, une lumiĂšre douce : tout appelait Ă la glisse. Ă bord dâun double de riviĂšre â un Caron que jâaffectionne â jâai partagĂ© la rame et quelques conseils. Le fleuve, paisible, semblait suspendre le temps.

đ Mais dans ce dĂ©cor presque parfait, un dĂ©tail accroche le regard : un carrelet, lentement grignotĂ© par le courant. Il penche, se fend, sâeffondre. Cela fait plus de dix ans que je rame entre Bordeaux et Cambes presque chaque semaine. Des carrelets, jâen ai vu sâĂ©riger. Mais jamais, ou presque, se dĂ©monter. AbandonnĂ©s aux caprices de la Garonne, ils deviennent dĂ©chets de plastique, de mĂ©tal, de mĂ©moire.
đïž Ces cabanes de pĂȘche sont pourtant un patrimoine vivant, une culture fluviale prĂ©cieuse. Elles racontent une autre relation au fleuve : celle de la patience, du lien aux marĂ©es, de la transmission. Mais si rien nâest prĂ©vu pour leur entretien ou leur dĂ©montage, elles finissent englouties, et avec elles, une part de notre histoire collective.
đ€ Que pourrions-nous imaginer ? Une charte dâentretien partagĂ©e ? Un inventaire participatif ? Un dispositif dâaide Ă la dĂ©construction Ă©cologique ? Les idĂ©es ne manquent pas, mais il faudra de la volontĂ© pour rĂ©pondre Ă ce dĂ©fi discret et pourtant si concret.
đ Car au bout du fleuve, il y a lâocĂ©an. Et au bout de notre nĂ©gligence, il y a des fragments de patrimoine devenu plastique, morceau de filet, taule rouillĂ©.
« Le fleuve est un livre qui sâĂ©crit en marchant⊠à nous dâen tourner les pages sans les dĂ©chirer.
đ Et vous, que feriez-vous pour prĂ©server les carrelets et leur histoire ?

